#4bis Les liquidateurs


"Liquidateurs" était le nom donné en ex-URSS au personnel civil et militaire intervenu immédiatement sur les lieux de la catastrophe de Tchernobyl le 26 avril au matin, mais aussi les équipes impliquées dans la consolidation et l'assainissement du site à plus long terme, jusque dans les années 1990. Le bilan les concernant doit être distingué du bilan civil de la catastrophe.
Le nombre avancé est généralement de 600 000 personnes, soit :
-200 000 personnels d’intervention,
-116 000 civils évacuées (par bus réquisitionnés) dans les jours qui ont suivi l’accident,
-270 000 autres personnes évacuées trois mois plus tard dans les zones les plus touchées par les retombées. La dosimétrie précise concernant ces groupes est hétérogène et souvent difficile à reconstituer, et ces personnes venues de toutes les régions de l'ex URSS n'ont pas fait l'objet d'un suivi à moyen ni à long terme. Certains se sont ensuite regroupés en associations.



Sans le personnel d'intervention, le monde d'aujourd'hui n'existerait tout simplement pas.

L'enjeu immédiat, dans les jours qui suivirent Tchernobyl, était d'éteindre le graphite brûlant encore dans le réacteur pour éviter une réaction nucléaire en chaîne conduisant à un accident thermonucléaire : les scientifiques soviétiques avaient calculé que cet incendie devait être maîtrisé avant le 8 mai sous peine d'assister à une explosion démultipliée encore plus dévastatrice, à l'échelle de l'Europe.
Des dizaines de milliers d'ouvriers furent acheminés sur le site dans l'urgence, afin de construire un sarcophage à la va-vite. Les équipes furent exposées par roulement pendant des durées de quelques secondes à quelques minutes à une radioactivité intense, avec ordre de s'attarder le moins possible. Ces intervenants ne disposaient ni d'informations sur les risques encourus, ni de protections efficaces ; ils bricolèrent tout au plus des sortes d'armures avec des matériaux récupérés et des plaques de plomb qu'on leur avait fourni. Une distribution de cachets d'iode aurait été effectuée parmi eux, mais elle ne fut pas systématique et l'ordre de la prendre ne fut pas toujours respecté. Les travailleurs déblayant les matériaux de la centrale et les pilotes survolant le site à travers le nuage de poussière radioactive étaient particulièrement exposés. Il en allait de même pour les intervenants sur le toit du réacteur n°3 qui récupéraient les débris de graphite, connus sous le nom de « chats du toit » dans le cas de certaines unités. C'est dans ces conditions que l'incendie finit par être maîtrisé le 6 mai 1986.


Entre 1986 et 1992 on estime qu'il s'agit au total de 600 000 à 800 000 individus en provenance de toute l'URSS, opérateurs de la centrale, sapeurs-pompiers, pilotes d'hélicoptères, mineurs, terrassiers, ouvriers, militaires ou civils, qui se relaieront sur le site.
Une partie de leur travail était motivée par ce qui fut salué comme un acte de dévouement, voire un véritable « sacrifice » (dans le cas de personnes conscientes du danger); et plus largement par des promesses de salaires élevés et d'avantages sociaux (logements, places dans les crèches...) ou symboliques (médailles et diplômes) décernés par le gouvernement.
Certains de ces intervenants furent par la suite déclarés « Héros de l'Union soviétique ». Ce fut le cas notamment de Nikolaï Melnik, un pilote d'hélicoptère qui avait placé des capteurs de radiations sur le réacteur , et du major Leonid Teliatnikov responsable de la lutte contre l'incendie, auquel un monument fut érigé à titre posthume au cimetière de Baykove à Kiev le 25 avril 2006.

Médaille remis aux liquidateurs survivants...
Les liquidateurs ont malheureusement été les premiers touchés par les radiations.
Le suivi médical des liquidateurs a été différent selon leur nationalité (russe, ukrainienne, estonienne) depuis la désagrégation de l' URSS en plusieurs républiques autonomes (1991).
Le nombre de liquidateurs se réduit cependant d'année en année : les liquidateurs en vie souffrent actuellement de pathologies rares, parmi lesquelles une forte proportion de cancers. Les sauveteurs et les pompiers intervenus immédiatement sur les lieux sont décédés les premiers, dans les semaines qui suivirent l'accident. Des cancers de la thyroïde, de la peau et des os, la plupart très rares, ont été relevés chez les autres avec une fréquence 4 fois supérieure à la moyenne nationale (d'après une étude de médecins biélorusses). Certains de leurs enfants présentent des malformations congénitales à la naissance. Enfin, les anciens liquidateurs présentent des séquelles psychologiques graves dues, en partie, à l'absence de reconnaissance de leur travail par les autorités : beaucoup continuent de réclamer les avantages promis, leur taux de suicide est particulièrement élevé et supérieur à celui de leur tranche d'âge.


Monument en l'honneur des liquidateurs.

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